Et si le travail venait à disparaître…
La réforme du code du travail, la montée du chômage, les inégalités face au partage de la richesse… sont autant d’indicateurs qui témoignent du bouleversement actuel de notre écosystème social et économique. C’est d’autant plus vrai que les nouvelles technologies comme la robotique ou l’intelligence artificielle continuent de progresser et de « remplacer » l’Homme.
Quelle devient notre place ?
Si on tient compte de l’accélération toujours plus rapide des technologies, un quart des métiers devrait évoluer d’ici cinq ans au sein des grandes entreprises et 42% des emplois seraient automatisables d’ici 2035. Autant dire que notre rapport au travail (et donc au revenu) est déjà entré dans une pleine mutation.
Plus impressionnant encore que ces perspectives quantitatives, nous avons de quoi être interpellés par cette révolution qualitative autour de l’intelligence : elle place progressivement (mais rapidement) l’Humain en concurrence avec les machines. Si les ordinateurs et la robotique parviennent à calculer, traduire, écrire, concevoir, organiser, produire, cultiver, démarcher, vendre, gérer… mieux que l’Homme, que lui restera-t-il en propre ? L’humour, l’émotion, le sentiment, l’éthique, le jugement ? Le libre arbitre ? La liberté ?
Et peut-être les yeux pour pleurer !
De fait, si la révolution industrielle a remis en cause la primauté de la main, la révolution digitale, dans laquelle nous sommes, affecte la primauté de notre intelligence.
Une prise de conscience récente
Il y a encore cinq ans, les directions des ressources humaines s’inquiétaient à peine des effets potentiels de la robotisation ; aujourd’hui, elles réalisent que l’impact RH de l’automatisation des compétences est incontournable, et même conséquent :
- Alors que la robotisation avait impacté jusque-là les chaines de production, elle va désormais toucher toutes les catégories socioprofessionnelles et toutes les formes de travail.
- Elle implique l’invention de nouvelles formes de travail, d’accompagnement et de dialogue social pour aider à la prise en compte de cette profonde mutation.
- Elle pose réellement les questions du partage du travail. Cette tempête socioculturelle va changer notre rapport et nos relations au travail, lesquelles devront s’imprégner de solidarité et de coopération. Or, de nombreux managers s’inquiètent déjà, avec la génération Z, de ce qu’ils perçoivent comme un manque d’implication et d’attachement face à l’entreprise et ses enjeux.
- Cette réalité de l’automatisation devient aussi celle de la diminution du revenu d’activité… Or, la question politique majeure doit se concentrer sur la nécessité à maintenir l’accès à la santé, à la connaissance, à l’épanouissement et bien sûr à la dignité. On peut comprendre (entendre ?) que le principe de revenu universel apparaisse, non comme une nouvelle aide sociale, mais comme un des éléments d’une réforme économique et sociétale.
Ainsi, l’automatisation et la robotisation ont de quoi nous interpeller face à l’avenir, notamment autour de problématique anthropologique. Quelle sera la place de l’être humain et de sa valeur sociale dans une société où la disparition majeure d’emplois est incontournable ? Comment allons-nous nous répartir la part de gâteau de plus en plus petite ? Comment le principe de Qualité de Vie au Travail va-t-il s’adapter pour préparer chacun à ces transformations ? Il ne s’agit pas d’être alarmiste. D’ailleurs il est certainement trop tard pour reculer et inutile de pleurnicher devant un passé qui était meilleur ; en revanche, nous devons nous préparer.
Des solutions à inventer sans tarder
UNE REFLEXION APPROFONDIE : Nous devons nous pencher à nouveau sur la spécificité humaine du travail. Quelle est sa nature ? Quelle est sa spécificité ? Quelle organisation sociale peut faire droit à ces nouvelles réalités ? Ces interrogations anthropologiques peuvent ouvrir le champ de réflexion et nous permettre de dépasser les références et idéaux du passé.
L’EXPERIMENTATION PARTAGEE : des groupes officiels de réflexion (think-tanks) et même des unités d’expérimentation (do-tanks) peuvent rassembler des entreprises, des partenaires sociaux, des experts, des psychologues, des sociologues, des politiques et les représentants du service public de l’emploi ; ils peuvent acter de ces questions, mais aller bien au-delà d’un diagnostique ! Sans tarder il est nécessaire d’envisager et d’expérimenter de nouvelles formes de travail pour ceux dont le métier va disparaître… et qui possèdent l’expérience, le savoir, les compétences.
DES INITIATIVES : en lien avec les inquiétudes fondées sur la nature et l’environnement, des logiques d’écosystèmes peuvent devenir de puissantes sources d’initiatives et d’apprentissage et offrir un maximum de solutions pratiques et sociales.
DES ENTREPRISES AVANT-GARDISTES : de nombreuses entreprises ont déjà pris des initiatives, notamment pour aplatir les hiérarchies, élargir la souplesse des espaces et des organisations, cultiver un véritable collaboratif… Elles ont su centrer leur énergie sur l’adaptabilité nécessaire face au changement, elles sont au cœur de l’expérience et du terrain. En poursuivant cette mouvance, elles peuvent devenir des laboratoires, animer des groupes de prospective et apporter des propositions raisonnées pour vivre ces perspectives sociétales au travers d’un accompagnement social.
S’adapter à la réalité
Nous allons (devoir) vivre de nombreuses « réformes du code du travail », car nous sommes dans le changement. Le travail devient un problème politique majeur pour les années à venir ; Il dépasse évidemment nos frontières et nous interpelle sur le fait que nos problèmes d’identité nationale pourraient bien devenir obsolètes car l’enjeu devient plus celui de notre identité humaine. Nous commençons à entrevoir une transformation bien plus puissante que la Révolution industrielle. Ne pas la préparer serait s’assurer d’une explosion sociale.