La permission d’être humain
Nous apprenons très tôt à dissimuler, à refouler nos émotions – plaisantes ou déplaisantes. On nous inculque qu’un garçon, « ça ne pleure pas », qu’il ne faut pas se réjouir publiquement de ses succès sous peine de passer pour orgueilleux, ou qu’on ne doit pas désirer ce que possède autrui car ce serait de la cupidité. On nous dit aussi qu’il est vil et indécent d’exprimer son attirance physique pour quelqu’un ou, inversement, honteux et mal vu d’être trop timide, trop anxieux pour s’ouvrir aux autres, affectivement et physiquement. Il est difficile de désapprendre les injonctions de l’enfance et de l’adolescence, de s’ouvrir au flot des émotions. Si on est pas obligé d’exprimer ses sentiments publiquement et sans retenue, quand c’est possible, il faudrait canaliser nos émotions, leur ménager un tuyau pour s’écouler. Confier à un ami notre colère, nos inquiétudes ; coucher sur le papier, dans notre journal intime, notre peur ou notre jalousie, intégrer un groupe de soutien dont les membres se débattent avec les mêmes problèmes que nous, et parfois aussi, seul ou en présence d’une personne qui nous aime, nous autoriser à verser une larme – de tristesse ou de joie.
Vous rappelez-vous en quelle occasion vous avez dû apprendre à exprimer
ou, au contraire, à refouler vos émotions, douloureuses ou agréables ?
TENTEZ L’EXPERIENCE…
Ressentir le ressenti
Vous pouvez mettre à profit le pouvoir de l’auto–attention pour desserrer l’étau des émotions douloureuses. Tara Bennett-Goldman est une thérapeute qui combine les psychologies orientale et occidentale. Selon ses termes, « l’auto-attention, c’est voir les choses comme elles sont, sans tenter de les changer. Le but est de dissoudre nos réactions face aux émotions dérangeantes en veillant bien à ne pas rejeter l’émotion proprement dite. En se focalisant sur une émotion pénible, en l’acceptant le cœur et l’esprit ouverts et en se laissant traverser par elle, on peut provoquer sa dissolution, sa disparition ». Par exemple, si vous êtes très nerveux face à un public, imaginez-vous montant sur l’estrade ; si vous avez perdu quelqu’un et que le temps n’a pas guéri votre douleur, imaginez-vous assis à côté du défunt, ou en train de lui dire au revoir. On peut aussi susciter certaines émotions, du manque de confiance en soi à la tristesse, en y pensant sans pour autant imaginer une situation précise. Une fois que l’émotion est présente à votre esprit, goûter-la un moment sans essayer de la modifier.
Pendant tout l’exercice, et dans la mesure du possible, respirez profondément mais avec douceur, comme pour la méditation d(auto-attention. Si vos pensées s’égarent, là encore, revenez à votre projection mentale, en maintenant le même rythme respiratoire. Si vous avez envie de pleurer, ne retenez pas vos larmes. Si d’autres émotions telles que la colère, la déception ou, au contraire, la joie vous viennent, laissez-les s’épanouir. Si telle ou telle partie de votre corps réagit de telle ou telle manière – vous avez tout a coup une boule dans la gorge ou bien votre rythme cardiaque s’accélère –, reportez votre attention sur elle et imaginez que vous y insuffler de l’air, sans essayer d’intervenir.
Cet exercice a pour but de vous autoriser vous-même à ressentir les choses, à vivre pleinement l’instant présent au lieu de ruminer. Il s’agit ici d’accepter les émotions telles qu’elles sont, d’être avec elles au lieu de s’efforcer de les comprendre et de les réparer.
Et si ces questions vous intéressent aussi pour des rituels professionnels… parlons-en !
Psychologie HS n°44, page 60