Notre vision du monde…
Notre vision du monde nous laisse-t-elle encore l’ouverture vers d’autres possibles, d’autres vertus, d’autres libertés ? Nous sommes tellement « programmés », « hypnotisés » par notre modèle de modernité, de réussite technologique et d’émancipation que nous ne sommes même plus prêts à le questionner. C’est un modèle fascinant qui attise le couple « plaisir / désir », dans un monde où nos corps et nos esprits fonctionnent encore sur le modèle du manque.
Aujourd’hui, nous fabriquons une génération reliée au câble, au réseau, à l’image de ces jeunes accrochés à leur portable ou de ces cadres qui ne peuvent plus suspendre leur connexion au web, persuadés qu’on ne saurait vivre sans téléphone, sans ordinateur, histoire de rester dans le temps immédiat. Et finalement, nous finissons par être totalement déconnectés de nous-mêmes et du monde qui nous entoure…
Etre en lien avec le vivant contraint à l’autonomie, à la responsabilité et nourrit une identité.
En se coupant de ses racines, d’un lien au territoire, on se coupe du « savoir vivre sur ce lieu », donc de la possibilité d’être autonome ; on se coupe de la responsabilité que l’on a de ce lieu si l’on veut y survivre et on se coupe de ses liens identitaires.
Le vivant et la nature deviennent des notions abstraites, « intellectualisées », dont on parle mais que l’on ne vit plus. Dans notre aveuglement au monde, aux autres et à nous-mêmes, dans cette agitation frénétique qui est la nôtre, nos ancètres et tous les peuples-racines qui existent encore aux confins de la planète, nous interpellent sur quelques questions fondamentales et notamment sur celle du sens : allez plus vite, plus efficacement, pourquoi pas, mais aussi pourquoi ? Toujours cette éternelle question : « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme.
Changer son regard
Déconstruire son regard, « faire trembler sa maison intérieure » comme l’évoque rené Barbier, passe par plusieurs étapes.
La première consisterait à se dire qu’il y a « un autre ».
La deuxième serait de reconnaître que cet autre n’est pas moi, de ne pas le regarder uniquement avec mes lunettes, mes croyances, mes représentations et surtout pas à travers mon échelle de valeurs.
La troisième serait d’aller à sa rencontre, en laissant de côté mes préjugés, ne pas juger avant de savoir, pour regarder, comprendre, vivre l’autre parce qu’il est, à travers son expérience pour co-naître, naître avec.
Une fois ces étapes dépassées, il devient possible d’interroger son propre monde, ses propres certitudes et de peut-être, commencer un dialogue entre cultures, entre différences… qui se respectent. Il devient possible de ralentir, voire de stopper, cette force laminante d’un monde qui affirme son statut de « développé » pour imposer un mode de pensée bien conformant, même s’il affirme par ailleurs nos libertés par des principes d’égalitarisme et non plus d’égalité.
Peut-être… inviter l’autre en nous ou se laisser inviter en lui.
Article ajusté avec une interview d’Eric Julien, Vivre relié à l’essentiel, Edition Jouvence, 2007
Une photographie de Fabrice Murgia, créateur de la pièce Black Clouds qui décrit dans les affres du Darknet et Gunfactory